Lenteur



À la fenêtre, café à la main, je regarde l’hiver. Je sais qu’il fait froid à la couleur du ciel. Il n’a pas le même bleu qu’en été. C’est subtil, mais perceptible. Je fais face à l’hiver en me demandant pourquoi je ne l’aime pas. Outre le fait que je ne supporte pas le froid, que peut-il en être de plus profond?

Dans le silence de cette brise que j’imagine, faisant vaciller les branches nues de mon arbre, je me rends compte qu’effectivement c’est plus que seulement le froid. J’ai grandis à la campagne. Là où l’épaisseur des bordées n’avait rien à voir avec celles d’aujourd’hui. Je me souviens de ce vent glacial qui soulevait la neige et tourbillonnait à nous étourdir. Je me souviens de ces jeux en famille, de hockey dans la cours, de sculptures de glace, de glissades essoufflantes, de quatre roues, de ski doo... Je me souviens que nous rentrions, mes sœurs, frère et moi les joues blanches d’engelure et les pieds froids à faire mal. Mes parents tenaient le feu du vieux poêle à bois à sa pleine puissance et les joues nous brûlaient en dégelant. Je me souviens aussi de Jacynthe, ma seule voisine de mon âge dans cette campagne où les voisins se comptaient en espace de terre et non en pâtés de maisons. Chocolat chaud et rire.

Je me souviens aussi du temps où j’étais jeune maman et que je sortais tous les jours avec ma tribu dans ce froid qui était désormais celui d’une banlieue. Où le ciel n’avait plus ces myriades d’étoiles du ciel de ma jeunesse. Où l’on capotait pour une bordée d’un pied! Alors que d’où je viens on en avait aux hanches de la neige. Je trainais le traineau où j’y avais installé mes petits supers emmitouflés!

Je me souviens qu’alors à toutes les premières neige j’étais aussi excitée qu’eux et que nous nous empressions de faire des bonhommes de neige dès que la neige devenait collante. Pendant longtemps j’ai traîné la tribu le soir dans les rues de la banlieue pour admirer ce que je n’avais pas vu moi dans ma campagne, les lumières de noël reflétant sur la neige. Puis, je me suis mise à marcher seule parce que les enfants ne suivaient plus. Je n’ai pas souvenir du moment où j’ai cessé.

Aujourd’hui, je fais face à l’hiver et me rend compte qu’il me ralentit. Je suis plus lente, moins vive d’esprit. Je trouve encore si féerique son manteau neuf qu’il déploie sur les arbres et les maisons, mais je crois que je lui en veut de me ralentir. J’en perds ma poésie printanière et ma légèreté d’émerveillement. C’est pour ça au fond que je n’aime pas l’hiver. Parce qu’il me renvoie dans la lenteur des moments et que j’aime être ivre de la pulsion de vivre. L’urgence de tout goûter, tout voir, tout sentir… L’hiver me le refuse. Il m’oblige à ralentir, à savourer. Plus qu’il ne faisait quand j’étais plus jeune. Parce que dans la jeunesse on n’arrête pas d’être en urgence de vivre. Pourquoi arrêterait-on alors qu’il n’y a encore aucune vraie raison à l’introspection?


À la fenêtre mon café refroidit, je ne me bas pas contre ce rythme obligé. Je sais qu’aujourd’hui sera un souvenir de demain. Je me demanderai pourquoi j’en voulais à l’hiver pour cette cadence qui me sera doux alors.

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